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Dans la peau d'un empathique

Publié le 8 octobre 2019

Les soft-skills sont aujourd’hui unanimement reconnus comme des leviers fondamentaux de la performance des organisations : créativité, capacités d’adaptation et gestion du stress sont autant de compétences qui permettent de faire face aux transformations des entreprises induites par la révolution numérique.

Parmi les soft-skills très souvent citées, l’empathie se positionne comme la pierre angulaire de la collaboration : mieux comprendre l’autre pour mieux interagir et travailler avec lui. L’idée est juste et pertinente.

Les managers sont particulièrement attendus sur cette « question empathique ».

Le management vertical et autoritaire ayant atteint ses limites, la performance des équipes se bâtit désormais sur la collaboration dont les piliers sont : qualité des interactions, confiance et authenticité. Sans capacités à éprouver ce que l’autre éprouve et à le comprendre de manière fine et profonde, impossible de répondre à cette évolution.

Autrement dit : Sans qualités empathiques, point de salut. Certe ! Mais…

Suffit-il de dire aux managers qu’ils doivent faire preuve de plus d’écoute « active » dénuée de jugement vis-à-vis de leurs collaborateurs pour que miraculeusement ils déploient leur empathie ?

Cette façon même d’ériger la question de l’empathie en forme d’injonction favorise-t-elle vraiment chez ces collaborateurs l’émergence de cette compétence ?

L’être humain est neuro-biologiquement câblé pour la connexion avec les autres êtres humains. Depuis Emmanuel Kant et son « associable sociabilité de l’être humain » jusqu’à Giacomo Rizzolatti et sa découverte des fameux « neurones miroirs » en 1994, en passant par la chercheuse américaine Brenée Brown, la preuve n’est plus à apporter. Ainsi à des degrés qui varient d’un individu à l’autre, nous sommes toutes et tous naturellement doués d’empathie. Cependant pour naturelle que soit cette compétence, elle a à voir avec des réflexes psychologiques très personnels.

Il convient donc de faire preuve de délicatesse au moment de solliciter l’emploi de cette compétence dans le cadre professionnel sous peine d’obtenir l’inverse de l’effet désiré.

La pratique des exercices issus du théâtre d’improvisation permet de développer son empathie de façon efficace et douce.

Précisons ici que lorsque nous parlons des exercices du théâtre d’improvisation, il ne s’agit ni de faire du théâtre ni de réaliser des mises en situation ou d’illustrer des situations professionnelles. Il s’agit de réaliser les exercices que pratiquent les comédiennes et les comédiens pour se rendre disponible aux multiples exigences qu’impose le jeu. Un travail d’agilité comportementale qui s’aborde avec la même rigueur que la préparation physique que réalise le sportif.

Cette pratique permet aux comédiennes et comédiens de briguer le titre « d’athlètes relationnels et émotionnels » pour reprendre les mots d’Antonin Artaud théoricien majeur du théâtre français.

Point commun à tous ces exercices : leur réussite repose sur la mobilisation juste et pertinente de ses soft-skills, au premier rang desquels figurent écoute et empathie.

Ludiques et très anodins de prime abord, ils permettent aux participants de s’engager facilement dans leur réalisation :

– « Si l’exercice est anodin, je ne risque pas grand-chose ! »

Dans un premier temps, l’exercice agit comme un révélateur du niveau de mobilisation des compétences de chacun. Ici, pas d’analyse extérieure aux allures de jugement, pas de méthodologie définitive, pas de moule théorique qu’on est prié de suivre en laissant de côté sa singularité, pas d’injonction à être ou à faire différemment dans ses interactions avec les autres : la prise de conscience du potentiel empathique vient des participants eux-mêmes.

Cette approche bottom-up assure l’engagement des participants vers de nouveaux exercices.

Ce second temps constitue la phase de renforcement des soft-skills des participants.

Dans cette partie comme dans la première, le rôle des intervenants est d’accompagner les participants dans la découverte et la mobilisation de leur potentiel relationnel et émotionnel.

La pratique de ces exercices constitue un moment à part qui permet de tester et d’entrainer ses compétences dans un cadre sécurisé et bienveillant. Les aptitudes consolidées par ce travail volontaire et actif sont directement remobilisables en situation professionnelle.

Dans son ouvrage « Disruption », Stéphane Mallard consacre un chapitre à l’empathie dont il fait « la nouvelle valeur » pour faire face à la concurrence de l’intelligence artificielle.

Il relève un paradoxe à ce sujet dans les termes suivants :

« Mettre l’humain au centre, comme le disent beaucoup d’entreprise n’a aucun sens, si l’empathie n’est pas déjà parfaitement maîtrisée à titre individuelle ».

Relevons à notre tour un paradoxe : demander aux collaborateurs de déployer leurs compétences douces de façon injonctive, sans leur donner les moyens de les développer à l’occasion d’une pratique adaptée, relève d’un manque de bienveillance et d’empathie à leur endroit !

Le ré-enchantement de l’entreprise par la mise en valeur des compétences humaines de chacun passe par la mise en œuvre d’actions où le fond et la forme se rencontrent.

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